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18/03/2009

Entretien avec Michel Rocard 

Autopsie d’une crise

Environnement financier, économique

Pour l'ancien Premier ministre, l'essentiel est de poser un juste diagnostic sur la crise. Assez loin de la refonte du capitalisme, c'est d'intelligence de la situation dont nous avons besoin.

Dès 2007, j'avais prévenu - et dans Réforme même - que la crise allait éclater. Sauf qu'à la différence des crises asiatiques de 1997, de la grande crise financière de 1992 qui avait sorti du système monétaire européen la livre sterling, la peseta et la lire italienne ou celle de la bulle Internet en 1999 - crises internes au système dont les causes étaient repérables -, la catastrophe que nous connaissons aujourd'hui échappe à tous ces diagnostics connus. 


Il n'y a, dans la partie bancaire et financière de la crise actuelle, rien de systémique et de cyclique, rien qui pourrait être lié à des déséquilibres structurels qu'il aurait fallu corriger. Tout se passe comme si la science économique était silencieuse, donc impuissante à définir ce qui nous arrive. Pourtant, la première attitude quand on est face à une telle crise, c'est de tenter de la comprendre. 
Il faut qu'un accord au moins théorique se fasse entre toutes les parties prenantes sur le diagnostic.

Sur l'affaire bancaire, disons-le clairement, le diagnostic est que cette crise financière est purement et simplement le produit de l'immoralité. Elle est marquée d'abord par les fameux « subprimes », qui sont pour moi l'horrible durcissement social cynique d'une pratique bancaire. Cette crise des subprimes produit en tout cas le drame de l'année 2007. Tout commence sur le seul territoire des États-Unis. La raison accidentelle est le changement de comportement du crédit américain vis-à-vis du logement. Le dernier mot d'ordre au tournant du millénaire était celui d'une nation de propriétaires. D'où l'idée de prêter à tout le monde. Auparavant, les règles voulaient que l'on ne prête qu'à ceux qui avaient les moyens de rembourser, en maintenant une référence au goût de l'effort, les banques n'acceptaient pas de prêter la totalité du montant des achats.

À partir du moment où naît la norme du « tous propriétaires », le système bancaire est poussé à prêter à tout le monde sans s'occuper des revenus des personnes auxquelles il prête. Cela a transformé la philosophie des banquiers : leur ressource n'est plus fondée sur la ponctualité des emprunteurs, mais sur la valeur des maisons. Comme sur le long terme, le prix du logement augmente, cela peut marcher. D'autant que si les emprunteurs ne peuvent rembourser, le recours à l'expropriation est toujours ouvert.

Vol qualifié
Pour équilibrer leurs comptes, les banques américaines font exproprier un million sept cent mille familles en 2007. Le problème social est gigantesque. Quand la masse des expropriations atteint un tel niveau, les policiers eux-mêmes refusent de faire le travail de répression, les juges se mettent à traîner, puis les élus se rebellent, et l'opinion se mobilise... D'où un net recul des expropriations et, tout au bout du processus, la faillite des banques américaines. Pour équilibrer complètement le système bancaire, il eût fallu cette année-là exproprier 3 millions et demi de propriétaires ! Résultat, toutes les banques sont entrées en crise, grandes comme petites. Hélas, à l'époque, personne n'a rien voulu voir venir. Les banques, au lieu de provisionner le risque, ont caché cette grave évolution de leur situation. La crise est alors comptable et financière. Mais, pour échapper à leurs difficultés, les banques ont recours à une pratique qui, elle, relève de la délinquance. Elles se servent alors de la technique dite de la titrisation - méthode par laquelle une banque qui a prêté de l'argent transforme le prêt en un titre financier anonyme et contracte quelque part avec une société de recouvrement de créances. Et elles se sont mises à noyer quelques créances hypothécaires pourries - c'est-à-dire non fiables - au milieu de créances réelles. La théorie bancaire veut que les défauts de paiements - il y aura toujours des mauvais payeurs - impliquent une dilution des risques. C'était l'objectif de cette technique. Mais quand il s'agit de cacher des créances malsaines dans des créances saines, j'appelle ça du vol qualifié. Dans le choix de ce mot, il n'y a chez moi aucune volonté d'insulter la profession bancaire, mais un souci juridique. Les quelques centaines de milliards de dollars évaporés - et dont quelques-uns carrément volés - méritent que l'on s'y arrête quelque peu ! Les mots comptent. Pour la science financière, le fait de diagnostiquer que c'est une dérive vers l'immoralité qui est au cœur de la crise ne met pas en cause l'organisation du système, mais une façon de penser, un comportement éthique. Et des absences de contrôle.
Tout cela ne concerne que la finance. Car, sur le fond, la crise n'est pas seulement bancaire et financière, mais principalement macroéconomique.

(fragments) hebdomadaire réforme du 12 mars 2009

source http://reforme.net/dossiers.php?id=364

Synthèse de la fin de l'article

C'est la mort de la théorie de Milton Friedman qui affirmait dans les années 1960 qu'il fallait s'abstenir de toute régulation (toute règles de contrôle) et réduire l'intervention de d'Etat pour atteindre l'équilibre optimal des marchés....

De plus, dans la suite de son article, Michel Rocard cible 4 facteurs aggravants de cette crise :

  • la crise des "subprimes",
  • la folie de l'endettement des ménages américains (sans contrôle de leur solvabilité) associée à celle de l'Etat Américain |la dette Américaine fin 2007 atteignait déjà plus de 2 fois  la richesse américaine]
  • la création de produits dérivés  qui permettent de spéculer sur tous les produits financiers et sur les marché des matières premières
  • la prise de pouvoir des fonds de pension dans les entreprises côtées en bourse qui exigaient un rendement des capitaux investis de 15% ...chaque année.

Pour sortir de la crise quelles pistes:

  • intervention des Etats qui sont les prêteurs en dernier ressort dans les banques défaillantes en faisant entrer dans les conseils d'administration des banques des représentants des Etats pour "assurer que les décisions (prises) soient conformes à l'intérêt national"
  • "mise en place d'une véritable régulation"

Commentaires : les pistes proposées mériteraient d'être approfondies mais nous attendons les réponses concètes du G20 qui doit se réunir prochainement.

 


00:12 Publié dans gestion crise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rocard, crise |  Facebook |