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18/01/2011

Enquête Questions sur l'innocuité des amalgames dentaires

Faut-il avoir peur des amalgames dentaires ? Destinés à soigner les caries, ils sont composés à 50 % de mercure, une substance toxique. La majorité des Français vit donc avec du mercure dans la bouche, appelé à tort "plombage", sans forcément le savoir. Aujourd'hui, les amalgames dentaires sont pointés du doigt par des médecins et des patients qui les accusent d'être à l'origine de certaines maladies neurologiques (Alzheimer) ou auto-immunes (sclérose en plaques). Le docteur Michèle Panetier, dentiste à Paris, n'en utilise plus depuis au moins quinze ans. "Par principe de précaution, je préfère ne pas en poser à mes patients", dit-elle.

Certains pays comme la Suède en 2010, ou la Norvège, le Danemark et l'Allemagne ont interdit ou restreint leur utilisation. Pas la France. La Commission européenne devrait rendre un avis fin mars sur la question. Mandatée par la Commission, la société Bio Intelligence Service (Biois) a préconisé, dans un rapport mis en ligne en juillet 2010 (Mercury.biois.com), l'abandon de l'utilisation du mercure dans les soins dentaires pour les pays de l'Union européenne.

"Le fait d'avoir des métaux lourds en bouche est source de toxicité, ce qui, chez certains patients prédisposés génétiquement, peut accroître le risque de maladies comme la sclérose en plaques", alerte le neurologue Bernard Aranda, qui se déclare "plutôt favorable à leur retrait" et demande toujours à ses patients atteints de sclérose en plaques s'ils ont des amalgames.

"La première mesure à prendre est d'interdire les amalgames , tranche Marie Grosman, professeure agrégée en sciences de la vie et conseillère scientifique de l'association Non au mercure dentaire et membre du Réseau environnement Santé (RES). Il faut se préoccuper des matériaux que les dentistes nous mettent en bouche : la mise en place de tests de toxicité devrait garantir leur innocuité et leur bio-compatibilité. Cela exclurait aussitôt le mercure, qui cumule les effets toxiques avérés et qui est pourtant remboursé par la Sécurité sociale !" Selon Marie Grosman, "le mercure traverse le placenta puisque l'on retrouve du mercure d'origine dentaire dans le cordon et dans les organes du foetus".

"Comme pour toutes les maladies d'origine environnementale où l'exposition à des cocktails de substances toxiques se fait à faible dose, la question du lien de causalité entre une exposition au mercure dentaire et la survenue de pathologies est délicate à établir", rappellent plusieurs associations, dont RES, WWF France et Générations Futures.

Pour autant, pour les personnes qui ont un amalgame dentaire dans la bouche, pas la peine de se précipiter pour aller se le faire enlever. "Une dépose non précautionneuse peut s'avérer dangereuse en raison de la quantité de mercure qu'elle peut libérer en peu de temps", prévient Marie Grosman.

"Les 40 000 dentistes français en utilisent de moins en moins pour deux raisons : les remous autour du mercure les ont incités à adopter le principe de précaution, et pour des raisons esthétiques", nuance le professeur Michel Goldberg, porte-parole de l'Association dentaire française (ADF) et chercheur à l'Inserm. Le recours aux amalgames dentaires diminue aussi car le nombre moyen de caries par personne a été pratiquement divisé par quatre ces vingt dernières années.

En 2005, un rapport de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) avait conclu à l'innocuité des amalgames. Trois ans plus tard, la ministre de la santé Roselyne Bachelot assurait devant les sénateurs que "les doses de mercure libérées dans l'organisme par l'amalgame dentaire sont infimes et très en deçà des seuils auxquels des effets toxiques pourraient être observés". La ministre avait ajouté : "On ne connaît pas un seul cas avéré d'intoxication mercurielle d'un patient par les amalgames dentaires."

Dans un rapport publié en 2009, la Caisse nationale de l'assurance-maladie des travailleurs salariés (Cnamts) se veut tout aussi catégorique : "L'amalgame dentaire, malgré la présence de mercure, ne présente pas de risques majeurs pour la santé des patients."

Malgré tous ces rapports rassurants, des mesures de précaution ont été prises ces dernières années. Le mercure en vrac a été interdit au profit du mercure en capsules prédosées. Depuis 1998, les professionnels doivent s'équiper de séparateurs d'amalgames pour éviter le rejet des déchets d'amalgame, qui représentent un risque toxique élevé. Enfin, l'Afssaps les déconseille aux femmes enceintes ou qui allaitent et aux personnes souffrant de troubles rénaux.

"Il n'y a pas de risques pour la santé", assure le docteur David Siarri, dentiste à Paris, qui concède dans le même temps utiliser "très peu d'amalgames dentaires, seulement dans certains cas. Et j'explique toujours aux patients les différentes méthodes".

Quelles sont, justement, les alternatives aux amalgames dentaires ? De l'avis des spécialistes, les inlays, en céramique et chimiquement neutres, représentent la meilleure solution. Problème : contrairement aux amalgames, ils sont très mal remboursés par la Sécurité sociale.

Les autres solutions comportent également leurs risques pour la santé. "Plus de 40 substances peuvent entrer dans la composition des matériaux alternatifs, ce qui augmente les risques potentiels de composés allergéniques, mutagènes, cancérigènes ou autres", indique la revue de l'ADF. "Les résines libèrent des monomères libres qui peuvent attaquer la gencive et la pulpe dentaire", précise le docteur Goldberg.

"La technologie dentaire évolue très vite. On parle beaucoup des amalgames, mais il faut être vigilant avec tous les matériaux utilisés en dentisterie", souligne son collègue David Siarri. Alors, que faire ? "Il n'y a pas de panacée, estime le docteur Goldberg. Le vrai travail de fond à faire est la prévention de la carie." source lemonde

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