27/03/2009
L'arthrose, mal de 6 millions de Français
Six millions de Français souffriraient d'arthrose. Cette pathologie, qui correspond à une usure précoce du cartilage, peut toucher de nombreuses articulations et est responsable de douleurs et d'invalidité. Elle affecte les sujets âgés, mais aussi des jeunes, sportifs ou victimes de traumatismes.
L'arthrose doit être considérée comme une maladie de l'ensemble de l'articulation. « Le cartilage n'est pas innervé, et la douleur arthrosique prend son origine ailleurs, à proximi té », indique le professeur Thomas Bardin, chef du service de rhumatologie de l'hôpital Lariboisière (Paris). L'arthrose est une « chondropathie », une maladie du cartilage. Celui-ci recouvre les extrémités osseuses, facilite le mouvement des articulations et amortit les chocs. « Le cartilage peut directement s'abîmer par usure mécanique, mais également par le biais des tissus environnants. Lorsqu'ils sont le siège d'une inflammation, ils sécrètent des enzymes qui s'attaquent au cartilage », explique le professeur Maxime Dougados, chef du service de rhumatologie B à l'hôpital Cochin (Paris).
Le cartilage n'est pas une substance inerte. Formé de cellules, les chondrocytes, « le cartilage s'élimine et se renouvelle régulièrement, mais contrairement à la peau qui se reconstitue en 48 heures, il faut trois mois pour refaire une couche de cartilage », poursuit le professeur Dougados. Ce processus de régénération permanente nécessite d'évacuer les débris de « vieux » cartilage, qui sont finalement éliminés dans les urines.
Dans l'arthrose primitive, les débris du cartilage sont plus gros et ont du mal à être éliminés. Un autre dispositif vient alors en renfort : c'est l'inflammation. Les cellules inflammatoires possèdent des enzymes pour découper les débris de cartilage. Mais, elles attaquent aussi le cartilage normal, créant un cercle vicieux. « Les facteurs mécaniques sont les plus importants, comme le suggèrent la survenue préférentielle de l'arthrose aux endroits sollicités de façon anormale (hanche, genou), ou l'existence d'antécédents traumatiques », ajoute le professeur Bardin.
Dans l'arthrose, il y a une part génétique et une part exogène. « Si vous ne voulez pas avoir d'arthrose, il faut bien choisir vos parents », ironise le professeur Dougados. Le rhumatologue cite des chiffres à ce sujet : les études menées montrent que la génétique joue à 80 % dans les arthroses de la main, à 70 % dans celles de la hanche et du dos et à 40 % dans celles du genou. Le reste est dû à des facteurs extérieurs, et en particulier aux traumatismes.
C'est le cas des ruptures des ligaments croisés du genou, par exemple lors d'une chute à ski ou des fractures lors d'un accident de la circulation. Les microtraumatismes répétés sont également susceptibles d'être en cause. Il existe une période sensible : les enfants âgés de 10 à 15 ans qui pratiquent le sport à haut niveau. « Même s'ils ne regrettent rien, 20 % des anciens «petits rats» de l'opéra se retrouvent avec une prothèse de hanche avant l'âge de 60 ans », affirme le professeur Dougados.
Autre facteur incriminé, l'obésité et les microtraumatismes qu'elle provoque. « On n'explique pas bien cependant pourquoi elle joue pour les genoux, mais pas pour les hanches ou les chevilles, et il paraît étonnant qu'elle affecte les mains et les doigts. », observe le professeur Dougados. Des substances délétères pour le cartilage sécrétées par le tissu adipeux pourraient être une explication.
Pour toutes ces raisons, il n'est plus rare de voir des arthroses débuter à 35 ans. Les femmes sont plus fréquemment et plus sévèrement touchées. Dans l'arthrose de la hanche, l'aggravation est plus rapide chez la femme, et elle a besoin plus vite d'une prothèse. Des facteurs hormonaux entrent certainement en jeu.
On peut néanmoins prévenir l'arthrose, affirme le professeur Dougados, qui résume les trois mesures-clés : « Ne pas être gros, faire attention à l'activité physique intense entre 10 et 15 ans, et éviter les traumatismes sévères. » Le professeur Bardin insiste sur l'importance d '« obtenir une perte de poids pour traiter l'arthrose, surtout celle des genoux. Le maintien d'un poids idéal est aussi une mesure très importante du point de vue de la prévention. »
L'arthrose n'a pas connu les progrès thérapeutiques dont ont bénéficié les rhumatismes inflammatoires. Le traitement par les antalgiques et les anti-inflammatoires vise avant tout à soulager la douleur. « Le traitement médicamenteux de l'arthrose ne peut à ce jour prétendre améliorer l'évolution en empêchant la dégradation articulaire », affirme le professeur Bardin. Les médicaments « chondromodulateurs », à base de composés présents dans le tissu conjonctif « possèdent un effet minime, et il n'y a pas de preuve formelle qu'ils aient un effet à long terme », selon le professeur Dougados.
Les quelques études évaluant les suppléments diététiques vendus sans ordonnance, comme le sulfate de glucosamine, censé favoriser la synthèse du cartilage, sont discordantes. Celles menées par l'industrie pharmaceutique sont très positives ; celles conduites par des médecins généralistes britanniques ou les Instituts nationaux de la santé des Etats-Unis sont négatives, rapporte le professeur Dougados.
La kinésithérapie joue un rôle très important pour l'arthrose des genoux, « mais pour être efficace, elle doit être prolongée. Il faut que les patients apprennent à faire eux-mêmes les exercices et aient la volonté de les répéter quotidiennement », indique le professeur Bardin. La pose d'une prothèse est envisagée lorsque l'arthrose est très évoluée ou associée à une déformation de l'articulation.
Paul Benkimoun
00:47 Publié dans santé | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arthrose, kiné | Facebook |
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